Le Lièvre et le Chasseur Charles François Antoine Viancin (1788 - 1874)

Certain chasseur à ses amis
Se plaignait tristement, faisant piteuse lèvre,
De n’avoir jamais été mis
En belle occasion de tirer sur un lièvre.
Du propos un des auditeurs,
Qui n’était pas des moins farceurs,
Lui promit que dans la semaine
Il aurait cette bonne aubaine.
Ce fut par un moyen finement inventé
Que le plaisant lui tint parole,
Et de son mieux joua son rôle,
Sans beaucoup de difficulté.
Là, se trouvait alors dans la maison commune,
Un de ces possesseurs de savants animaux,
Dont les divertissants travaux
De leurs maîtres forains font presque la fortune.
Dans leur nombre, en public, souvent on rappelait
Un lièvre de force première,
Qui battait le tambour, tirait le pistolet,
D’une merveilleuse manière :
C’était bien là ce qu’il fallait.
Ainsi vous comprenez d’avance
Comment avec le régisseur
De la troupe, en secret l’on fut d’intelligence,
Pour mystifier le chasseur.
Celui-ci par le chef de cette connivence
Fut bien et dûment averti
De l’heureux et brillant parti
Qu’à jour fixe il aurait à prendre,
Pour se mettre à l’affût d’un lièvre découvert,
Qu’il était certain de surprendre
Au gîte sous un buisson vert.
Pour ce lieu du complot, en grande compagnie,
Lestement on s’achemina ;
Le chasseur fut le seul qui point ne devina
Qu’on allait à la comédie;
Mais que d’instructions le groupe lui donna !
Il devait, à pas lents, baissant un peu la tête,
Son fusil bien armé, s’approcher de la bête.
Et surtout ne tirer qu’au signal bien précis
Où le gibier serait occis.
Tout se fil à propos, selon ces prévoyances,
Avec la meilleure des chances.
Non moins que tous les spectateurs,
Etait fort attentif… qui ?… l’un des deux acteurs ;
Car on doit bien penser que le lièvre compère,
Toujours très habile à bien faire,
Sous la main de son guide était dans le buisson.
Tout prêt à répéter bravement sa leçon;
Ce fut lui qui tira contre sou adversaire,
Et vous pouvez juger de quel terrible effet
Dût être au môme instant son coup de pistolet;
Ce n’était par bonheur qu’un simple feu de poudre
Qui n’avait rien d’un coup de foudre;
Mais le pauvre Nemrod en eut, dit-on, si peur
Et si honte qu’il prit la fuite à la vapeur,
Puis trembla d’un accès de fièvre
Que la savante Faculté,
Avec assez de vérité,
Eût pu nommer : Thyphoï-fièvre.





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