Maître Hibou, prosesseur émérite,
Philosophe poudreux vanté pour son mérite,
Donnait sous un ormeau de savantes leçons.
A l'envi chaque mère au docte personnage
Envoyait ses chers nourrissons.
En tout de nos pédants il adoptait l'usage.
Il veut faire de l'âne un maestro fini,
Un rival de Tamburini ;
A demoiselle l'araignée,
La poésie est enseignée.;.
Le coq, émule de Jean Bart,
Doit un jour, à travers les flots et la tempête,
Enrichir son pays de plus d'une conquête ;
Et le cygne, nouveau Bavard,
Acquerra noblement, dans les rangs de l'armée,
La fortune et la renommée.
Leurs cours étant finis, les voilà tous classés
Selon les plans divers imposés par le maître
Le baudet, sur la scène ayant osé paraître,
Fila les sons moelleux que vous lui connaissez,
Si bien qu'à coups de gaule on vous l'envoya paître ;
L'insecte, pour forger de pitoyables vers,
S'étant imprudemment mis la tête à l'envers,
Périt de honte et de misère ;
Le coq mourut de peur sur un vaisseau de guerre ;
Le cygne, au premier feu désertant les drapeaux.,
Se sauva dans un lac, au milieu des roseaux.
Eh bien ! si, bravement abdiquant la routine,
Le maître avait compris avec sagacité
Leur instinct, leur penchant et leur capacité,
Du moulin toujours l'âne eût porté la farine ;
Le coq loin de la mer eût montré sa valeur ;
L'araignée eût lissé des toiles ;
Le cygne sur la mer eût dirigé ses voiles,
Et chacun dans sa sphère eût goûté le bonheur...