De jeunes écoliers avoient pris dans un trou
Un hibou,
Et l’avaient élevé dans la cour du collège.
Un vieux chat, un jeune oison,
Nourris par le portier, étaient en liaison
Avec l’oiseau ; tous trois avaient le privilège
D’aller et de venir par toute la maison.
À force d’être dans la classe,
Ils avaient orné leur esprit,
Savaient par cœur Denys d’Halicarnasse,
Et tout ce qu’Hérodote et Tite-Live ont dit.
Un soir, en disputant (des docteurs c’est l’usage),
Ils comparaient entre eux les peuples anciens.
Ma foi, disoit le chat, c’est aux Égyptiens
Que je donne le prix ; c’étoit un peuple sage,
Un peuple ami des lois, instruit, discret, pieux,
Rempli de respect pour ses dieux ;
Cela seul à mon gré lui donne l’avantage.
J’aime mieux les Athéniens,
Répondit le hibou : que d’esprit ! que de grâce !
Et dans les combats quelle audace !
Que d’aimables héros parmi leurs citoyens !
A-t-on jamais plus fait avec moins de moyens ?
Des nations c’est la première.
Parbleu, dit l’oison en colère,
Messieurs, je vous trouve plaisants :
Et les Romains, que vous en semble ?
Est-il un peuple qui rassemble
Plus de grandeur, de gloire et de faits éclatants ?
Dans les arts, comme dans la guerre,
Ils ont surpassé vos amis :
Pour moi, ce sont mes favoris ;
Tout doit céder le pas aux vainqueurs de la terre.
Chacun des trois pédants s’obstine en son avis ;
Quand un rat, qui de loin entendait la dispute,
Rat savant, qui mangeoit des thèmes dans sa hutte,
Leur cria : Je vois bien d’où viennent vos débats :
L’Égypte vénéroit les chats,
Athènes les hiboux et Rome, au Capitole,
Aux dépens de l’État, nourrissait des oisons :
Ainsi notre intérêt est toujours la boussole
Que suivent nos opinions.