Certain bœuf paresseux et lent
Un jour, en quittant la charrue,
Disait au coursier pétulant :
Ce travail m'excède, me tue ;
Au lieu de mon joug fatigant
Et de cet attirail champêtre,
Paré d'un harnais élégant,
Ainsi que toi, de notre maître
Que ne puis-je traîner le char leste et fringant !
Et moi, ce beau métier m'ennuie ;
Un mors d'argent ne fait pas le bonheur.
J'aimerais beaucoup mieux brouter par la prairie,
Ou dans les champs aider le laboureur.
Lors par hasard, auprès de l'écurie,
Le maître oyant ces propos un peu fous,
Dit : Mes amis, j'aurai pitié de vous ;
Dès demain, tous les deux vous changerez de vie ;
Je veux qu'ici chacun soit satisfait.
Aussitôt dit, aussitôt fait..
Au fils d'Io l'on passe une bride fort belle,
Un beau harnais plaqué, puis au char on l'attelle.
C'est un groom élégant qui sous son fouet léger
Se charge de le diriger
Dans cette carrière nouvelle.
César, de son côté, conduit par un bouvier,
Voit d'un joug pesant et grossier
Sa noble tête couronnée.
« Adieu, mes enfants ; au revoir ;
Vous me raconterez ce soir
Les délices de la journée. »
Las ! le récit n'en fut pas long.
Le lendemain, dès que dans le vallon
L'astre du jour vint à paraître,
On vit les pauvres animaux,
La tête basse, aller auprès du maître,
Prier qu'on les rendît à leurs premiers travaux,
Et confesser qu'ils n'étaient que des sots.