« Les hommes, se disaient l'un à l'autre deux loups
Dans un accès de courte repentance,
Ne témoignent jamais pour nous
Que crainte, haine et malveillance ;
Même souvent nous tombons sous leurs coups.
Si ce n'est par vertu, tout au moins par prudence,
Tâchons de devenir meilleurs.
De ravager et de détruire
Quel bien nous revient-il ? Servons au lieu de nuire.»
« Tu parles d'or, dit l'un des deux voleurs.
Que nos éternels détracteurs
Apprennent que les loups, ces malfaisantes bêtes,
Savent aussi vaquer à des travaux honnêtes.
Vois-tu là-bas ces moissonneurs
Gagnant, à force de sueurs,
Une précaire subsistance ?
Viens les aider : à coup sûr ce bienfait
Nous vaudra leur reconnaissance,
Peut-être leur amour. » Ainsi dit, ainsi fait.
Mais aux yeux des humains le loup est toujours traître.
Aussitôt qu'on les voit paraître,
On les poursuit : faux, fourches et bâtons
Sont dirigés contre eux. « Bien en vain nous voulons
Devenir vertueux, dit le loup à son frère ;
Nous aurons beau dire et beau faire,
Nous passerons toujours pour d'insignes larrons. »
Parfois, hélas ! la juste défiance
Des gens de bien, empêche un malfaiteur
D'obéir à sa conscience
Qui le ramènerait au chemin de l'honneur.