Le Berger menteur Théodore Lorin (19è siècle)

Toutes les nuits, Guillot, par moquerie,
Criait au loup sans rime ni raison.
Les voisins arrivaient ; alors changeant de ton,
Il prodiguait la sotte raillerie
Aux arrivants. Le loup vint un jour tout de bon,
Et saisit dans la bergerie
Une brebis superbe et bien nourrie.
Tout aussitôt notre homme de crier
Au loup ! au loup ! à plein gosier.
Mais on fut sourd à sa prière.
Bah ! se dit-on, le gros malin
Veut se gausser de nous comme à son ordinaire :
Personne ne bougea. Le lendemain matin,
La larme à l'œil, Guillot conta sa triste chance.
« Mon cher ami, lui dit un sien voisin,
Je te plains, mais en conscience,
Ne l'as-tu pas bien mérité?
Tu l'apprends, mais trop tard, un menteur effronté
Finit par n'obtenir aucune confiance,
Même en disant la vérité. »

Livre VI, Fable 17


Note de l'auteur : Ce sujet a été traité par plusieurs fabulistes, entre autres par l'abbé Reyre (Mentor des enfants). Cette dernière renferme une foule de détails piquants. Lorsque j'en ai eu connaissance, j'ai été tenté de supprimer la mienne ; mais l'amour paternel l'a emporté.

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