Le Singe monté sur des échasses Léon-Pamphile Le May (1837 - 1918)

Un singe de courte stature,
 Mais de grandes prétentions,
 Gardait rancune à la nature
 De son manque d’attentions
 Et cherchait toujours dans sa tête
 Le bon moyen de s’élever.

— Je l’ai ! dit-il un jour, je l’ai ! que je suis bête
 De si longtemps rêver !…
C’est bien simple : je vais monter sur des échasses.

 Mais il est un danger, je crois :
 Sous mes petites jambes grasses
 On verra mes jambes de bois.
Bah ! j’ai de bons amis qui, moyennant salaire,
Pour cacher ce beau truc se tiendront près de moi.
Ils vanteront ma taille et mon bras musculaire,
 Et moi je me tiendrai bien coi.

 L’idée était originale
Et le singe orgueilleux en sut tirer profit.
 Il trouva l’amitié vénale
 Qui le bouffit.

Lorsque l’on vous dira qu’un homme vous surpasse
Et que devant son nom tout nom s’anéantit,
Regardez avec soin au tour de passe-passe,
Car tel qui paraît grand est parfois bien petit.

Livre II, fable 17




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