— Je veux aller plus loin, dit la mer orgueilleuse
Au rocher debout sur ses bords ;
Abaisse-toi, sinon… Je ne suis point railleuse,
Et j’éprouve comme un remords
De m’être tant de fois à tes pieds endormie.
Tu pourras me compter comme ton ennemie
Si tu ne me laisses courir
Où le doux caprice m’entraîne.
Abaisse-toi, te dis-je, ou tu vas encourir,
Pauvre roc, ma profonde haine.
— À ma place je suis, j’y reste par devoir.
Répondit le rocher sans du tout s’émouvoir
Si j’allais obéir, ajouta-t-il, tes ondes
Couvriraient les plaines fécondes
D’un immense voile de deuil,
Et je deviendrais ton complice :
Renonce à ton caprice,
Car je suis le seuil
Que tu ne peux franchir, ô mer impérieuse.
Jusqu’en ses profondeurs la mer frémit alors
Elle fit tout à coup de suprêmes efforts
Et s’en vint furieuse,
Dans un terrible choc,
Se briser en hurlant sur l’immobile roc.
Quelque place qu’on vous confie,
Faites votre devoir et demeurez sans peur.
La menace ne terrifie
Que l’infidèle serviteur.