Le Héron, les Poissons et le Limaçon Edmé Boursault (1638 - 1701)

Un héron d'humeur altière
Et quelquefois s'oubliant,
Voltigerait sur une rivière,
Et cherchait pour dîner quelque morceau friand.
D'abord un brocheton d'une longueur honnête
Se présente à ses yeux. Brocheton ! Passons.
Voilà pour un héron une belle conquête !
Perche et truite, à mon gré, font de meilleurs poissons.
Il trouve un peu plus loin une Carpe et Seine
Qui pour prendre une mouche allongeait le museau :
Une carpe ! est-ce la peine
De m'aller mouiller la peau ?
A quelques pas de là, sous une vieille planche,
Il savait qu'une tanche avait un trou secret :
Mais après carpe et brochet
Qu'est-ce pour lui qu'une tanche ?
Quand il eut bien fait des tours,
Et pris de l'appétit à force d'exercice,
Pour contenter sa faim qui s'augmentait toujours,
Il rencontre une écrivisse.
Je ne veux point d'écrevisse en aucune façon
Passons outre. Il passe outre et pour toute fortune,
Après une course importune
Il ne trouve qu'un Limaçon.
Retournons au brochet, il faut qu'il en pâtisse,
Brochet, carpe, tanche, écrevisse,
Tous avaient pris la fuite et s'en trouvaient fot bien.
Enfin, le héron ridicule
Qui ne voulait manger que de meilleur poisson,
Pressé par le besoin ne fit point de scrupule
De s'en tenir au limaçon.



Note de l'auteur : Je pardonne volontiers les fautes que l'on fait par ignorance : mais j'ai de la peine à pardonner celles qui sont faites par malignité.

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