L'Âne fanfaron et le Moucheron Simon Pagès (17ème siècle)

Oh ! que nos chants sont ravissants !
Qu’ils sont moelleux, sonores et perçants !
Qu’avec raison l’on nous admire,
Si dans les bois et dans les champs,
Nous faisons entendre nos chants,
La critique n’a rien à dire
A nos fiers et mâles accents ;
La nature écoute en silence.
Quel éclat ! quelle chute ! étonnante cadence !
En vérité, Jupin fut prodigue envers nous.
Voyez, voyez l’aimable allure :
Examinez cette encolure :
Petit bidet, pauvre cheval,
Reconnaissez qui vous protège ;
Sentez bien votre privilège ;
Ne soyez pas un si sot animal,
Et n’allez pas vous croire notre égal.
Il n’est pas jusqu’à notre oreille
Qui ne fasse crier merveille.
Que dirai-je de notre esprit ?
L’homme nous appelle des ânes ;
Avec ce mot il croit avair tout dit ;
Ane…. ; c’est lui qui l’est, sans contredit.
Enfin, dans les combats, comme nous sommes crânes !
Chut ! admirez, et taisez-vous.
Cette fanfaronnade excita le courroux
D’un certain animal,… aussitôt il bourdonne,
Pique ici, pique là cette rare personne.
Pour se délivrer des assauts,

Le rustre héros fait des sauts ;
Sur le fumier, dans la boue il se roule,
Dresse l’oreille, ouvre un grand œil ;
Goutte à goutte son sang découle,
Il ne peut vaincre ; enfin, conservant son orgueil :
Vous triomphez, dit-il, trop illustre adversaire :
C’était un petit moucheron,
Qui lui fit ainsi la leçon :
Animal lâche et débonnaire,
Apprends que tu ne sais que braire,
Et que tu n’es qu’un fanfaron.
Quand tu crois marcher avec grâce,
Gros lourdaud, tu fais la grimace,
Encore en recevant force coups de bâton.

N’imitons pas seigneur Aliboron.

Livre II, Fable 17




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