Le but atteint, l’instrument de victoire
Est mis en oubli trop souvent.
A soi seul le triomphe ! à soi profit et gloire !
Mais l’instrument, l’humble instrument
N’a que triste abandon pour tout lotissement.
C’était fête dans un village ;
Combats de coqs et sauts du sac.
Mâts de cocagne et joute sur le lac,
Courses d’ânes, turfs sur la plage
Formaient le programme joyeux
Des jeux,
Rendu plus attrayant encore
Par les guerdons réservés aux vainqueurs ?
Le prix du sport surtout faisait éclore
La convoitise en bien des cœurs.
Aussi vingt jeunes gens surgissent dans l’arène,
Chevauchant coursiers de Silène
A cru, sans selle et sans freins ;
Sur un même front mis en place,
Au signal donné, nos roussins,
Tous rivaux de force et d’audace,
S’élancent, volent, fendent l’air
Et, rapides comme l’éclair,
Sous leurs bonds absorbant l’espace,
L’un l’autre à l’envi se dépasse.
De la voix, du geste animé,
Un d’eux enfin, par un effort immense
D’une tête gardant l’avance,
Est du sport vainqueur proclamé.
Le maître aussitôt s’en élance
Et, vrai coq d’Inde rengorgé,
Aux clameurs de la foule, aux bruits de la fanfare
Du prix au vainqueur adjugé,
Tout fier, tout joyeux, il s’empare.
Quant au roussin il fut à ses chardons
Renvoyé sans plus de façons.
Que de gens parviennent au faîte
Sur des roussins de même convoyés !
Pauvres roussins qui sont, hélas ! pour toute fête
Comme l’Âne du sport aux chardons renvoyés.

Livre V, fable 7




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