Un riche Papillon, volage sybarite y
Était, sur une rose, ivre plus qu'à demi,
Tel on voit un sultan par l'Amour endormi
Sur le sein d'une favorite ;
Tel encor c'est assez d'une comparaison.
Il s'agit d'un insecte, et je n'ai pas raison
De me donner ici de grands airs d'Enéide.
Un humble Limaçon, avec sa corne humide,
Toucha le beau dormeur afin de l'éveiller,
Et lui dit : Camarade, en te voyant briller,
Je crois que la fortune à tes voeux est propice,
Et si j'eus le bonheur de te rendre service
Lorsque tu fus Chenille et dans la pauvreté,
Le bien que j'ai pu faire au moins a profilé;
C'est de bon cœur, ami, que je t'en félicite.
Quant à moi, ma fortune est toujours bien petite,
Mais je consomme peu, dès longtemps tu le sais.
Qui ? moi ! Vous vous trompez > je ne vous vis jamais,
Reprend le Papillon, vous me croyez un autre,
Ensemble on ne voit pas mon espèce et la vôtre ;
Vous parlez de bienfaits, de services rendus,
Impossible, mon cher, jamais je n'en reçus ;
Je suis né Papillon, je ne fus point Chenille ;
Vous pouvez voir ici ma brillante famille
Errer parmi les fleurs qui parfument ce lieu,
Où j'aurais grand plaisir à demeurer encore ;
Mais pardonnez, là-bas un œillet vient d'éclore,
11 faut absolument que je m'y trouve, adieu.
Ingrats favorisés de l'aveugle fortune,
Vous qu'un ancien ami, s'il est pauvre, importune,
Et qui d'une âme juste allumez le courroux,
Lisez cet apologue, il est écrit pour vous !