Combien ta, vie est ennuyeuse !
Dit à la Fourmi travailleuse
Un Papillon frais et dispos.
Quoi ! toujours la corvée et jamais le repos !
A peine si les nuits à ton labeur font trêve ;
Portant graine ou fétu quand le soleil se lève,
Sous les mêmes fardeaux tu succombes Je soir.
Vraiment tu me fais peine à voir.
Ah ! si pour mes péchés l'on eût tissu ma vie
De semblable monotonie,
Nous en verrions bientôt la fin.
Le ciel a, par bonheur, varié mon destin.
D'abord je vois le jour libre et simple chenilles/strong> ;
Savourant à mon gré le rosier, la charmille,
Je vais où bon me semble, et mon repas est prêt.
Quand cet état me lasse, en un réduit secret,
Que je sais tapisser de la plus fine soie,
Chrysalide je dors, puis un jour, plein de joie,
Je deviens Papillon, brillant comme la fleur
Qui, fière de ma préférence,
Livré à mon heureuse inconstance
Son calice, où je bois la vie et le bonheur.
N'est-ce pas là jouir d'une douce existence ?
Certe, on n'en peut disconvenir,
Réplique la Fourmi, sous la triple figure
Dont te revêtit la nature,
Tu sais, sans prévoyance, atteindre le plaisir
Que ne me donne point mon travail monotone ;
Mais lorsqu'arrivera le déclin de l'automne,
Mon pauvre Papillon, que vas~tu devenir ?
Par la persévérance et par l'économie,
Qui m'auront honorée au temps de la moisson,
Je me garantirai de la bise ennemie ;
Lorsque paralysé sous le premier glaçon,
Dont ne peut te. sauver nulle métamorphose,
Tu ; vas périr comme la rose,
Et devenir une leçon
Pour ces hommes d'humeur légère,
Qui, dépensant leurs jours entiers
A goûter de tous les métiers,
N'y font rien, et bientôt meurent dans la misère.