Au lit de mort, une fourmi
Plaint sa destinée, et gémit.
Un léger papillon qui passe,
S'approche, et veut la secourir.
« Ah ! de tes soins je te rends grâce
Dit-elle, je me sens mourir !
— Une petite médecine,
Répond notre docteur, pourrait te soulager.
— Non, d'ici-bas, si je dois déloger,
Il n'est qu'un point qui me chagrine
C'est de quitter sans indigestion
La plus riche provision ;
Pour deux ans j'aurais de quoi vivre
— Tu mérites bien ce regret,
Un égoïste croit goûter mieux, en secret,
Le doux nectar dont il s'enivre,
C'est là, ma chère, son erreur ;
Le bien que l'on partage
Double notre bonheur ;
Chacun y trouve un avantage,
il fallait partager avec les malheureux
Tes vivres superflus, fruit de la prévoyance,
Tu jouirais encore du souvenir heureux
D'avoir toujours eu le cœur généreux,
Et mourrais avec l'espérance
De la plus douce récompense.