Il est des gens qui voudraient faire accroire
Que tout est facile pour eux,
En prenant un air dédaigneux ;
Mais cette apparence illusoire
Ne peut tromper que l'ignorant :
Je vais, par l'exemple suivant,
Rabattre un peu leur vaine gloire.
Ils tâchent d'éblouir par un certain jargon ;
Mais à l'œuvre on connaît l'ouvrier, nous dit-on.
Une Puce vivait près d'une Fourmilière ;
Elle y fut par désœuvrement :
Bientôt, après le compliment
Qu'en semblable cas on doit faire,
II fallut bien, comme c'est l'ordinaire,
Montrer à cet insecte importun, curieux,
Les diverses beautés que renfermaient ces lieux.
La Puce, pleine d'arrogance,
Jouant la dame d'importance,
Regardait tout avec dédain ;
Ce n'est pas mal : c'est assez bien ;
A chaque pas une sentence,
Un geste, un sourir malin.
Voulait - on expliquer la cause
De telle ou bien telle autre chose ?
Sans contredit : rien de plus clair.
Donnant ainsi cent réponses en l'air,
Rien ne pouvait la satisfaire ;
II n'était rien qu'on ne pût faire.
Lasse enfin de son ton railleur,
Une Fourmi lui dit avec aigreur :
Vous qui voulez nous faire croire
Que vous n'ignorez rien, par votre sot caquet,
Suivez-nous au laboratoire ;
Les œuvres feront plus d'effet.
11 ne serait pas dissicile,
Reprit la Puce, en s'en allant,
De vous prouver que je suis très-habile ;
Mais vrai, quant à présent
Je ne puis vous complaire :
J'ai sur les bras certaine affaire....
Les moments me sont précieux....
Je reviendrai... Je vous fais mes adieux.