La Puce et l'Abeille Théodore Lorin (19è siècle)

Une puce vive et légère
Passant près d'une fourmilière
La regardait de cet air suffisant
Que prend un fat au ton dédaigneux et tranchant.
« Voilà, s'écria-t-elle, une belle merveille ! »
« Ma chère, lui dit une abeille,
Quoi ! vous n'admirez pas l'instinct laborieux
Que cet insecte industrieux
Met à creuser la vaste galerie
Où seront déposés les trésors précieux
Qui fourniront, l'hiver, aux besoins de sa vie ? »
« Bah ! quand je le voudrai, je pourrai faire mieux, »
Dit la puce. « Eh bien ! donc, ma mie,
Mettez-vous sur-le-champ à l'œuvre, je vous prie,
Et montrez-nous votre rare talent. »
Cet argument à bout portant
Déconcerta notre étourdie,
Qui, sans répondre un mot, s'enfuit en sautillant.

Ainsi, rempli d'orgueil et de forfanterie,
Un auteur ignorant et sot
Se vante trop souvent, dans sa vaine folie,
D'égaler, s'il le veut, les travaux du génie ;
Mais qu'on le mette à l'épreuve, et bientôt
On découvre son ineptie.