Tout parvenu fût- il vêtu d'hermine
Nous rappelle toujours sa vulgaire origine.
Par un brillant soleil de Juin
Un Papillon tout frais sorti de son écrin,
Et fier de sa métamorphose,
D'orgueil se dandinait sur le sein d'une rose.
Son aile pailletée, elle est humide encor,
Et resplendit de jais, d'azur et d'or ;
Son œil se réfléchit dans la blanche rosée,
Qui reproduit sa paupière irizée,
Son ami d'autrefois, maintenant oublié,
Sur le gazon se promenait à pied.
C'était un Limaçon, humble de sa nature,
Traînant avec lui sa voiture .
Le Papillon le voit se charrier,
Et de suite interpelle ainsi le jardinier.
"A quoi te sert, manant, de quitter ta demeure
Chaque matin de si bonne heure,
Pour nettoyer le sol, et peigner le jardin,
D'avoir pour chaque plante un remède à la main,
Et d'amener à bien la pêche purpurine,
La prune appétissante, ou la verte aveline,
Si tout cela n'est après tout
Que pour flatter le goût
De ce laid Limaçon qui sur l'herbe bruine ?
Crois-moi, pour ton honneur, détruis cette vermine ! "
"Insolent parvenu," répond le Limaçon,
" De moi gratis reçois cette leçon :
Point ne veux faire ici ta généalogie,
Je le pourrais pourtant, car je fus ta vigie,
Je le pourrais . . . dès le début
Je t'ai vu de la terre être le vil rebut ;
Car à peine neuf fois des célestes demeures
Sur son char le soleil a fait sortir les heures,
Pour arrondir le fruit, épanouir la fleur,
Que toi, je te voyais Insecte destructeur,
Hideusement traîner de par le monde
Ton corps velu, ta queue immonde,
Et de ce tout rampant filer vilain coton
Pour te cacher en un sale cocon.
Ates insultes, vois, je fais réponses nettes :
Boileau l'a dit un jour, soyez plutôt maçon
Si c'est votre métier, que faiseur de sornettes ;
Je naquis Limaçon, je mourrai Limaçon.
Qu'est-ce qu'un Papillon ?... Une laide chenille,
Qui pour de beaux atours a changé sa guenille ;
De se targuer y a-t-il donc de quoi,
Quand on sort de si bas aloi !"