Un Chêne, qui pendant un siècle tout entier,
A Borée avait tenu tête,
Et dont l'ombrage hospitalier
Était de mille oiseaux l'ordinaire retraite,
Sous les efforts de la tempête,
À la fin succomba. L'arbre déraciné
Joncha de ses débris le vallon consterné.
Un sage qui, par aventure,
Se promenait par là, (les sages de tout temps,
Ont été fort épris du spectacle des champs),
Vit ce roi des forêts couché sur la verdure.
Il contemple, étonné, ses immenses rameaux,
Réfléchit en silence, et dit enfin ces mots :
Dieu ! quel colosse que ce Chêne !
Quelle élévation et quelle profondeur !
Il fallait qu'il tombât, pour qu'avec moins de peine,
L'œil pût mesurer sa grandeur.
Tel un homme éminent, que le sort persécute,
Et fait succomber trop souvent,
Se montre quelquefois plus grand après sa chute
Qu'il ne l'était auparavant.

Livre II, Fable 2




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