Le Chêne et le Cocotier Étienne Azéma (1776 - 1851)

Un Chêne, jeune enfant du Nord,
Fut jadis transplanté dans un champ de l'Afrique.
Peu fait pour ces climats, l'étranger sur ce bord
Resta nain, grêle et rachitiquc.
A quelques pas de là croissait un Cocotier
Au tronc pyramidal, aux palmes rayonnantes,
Et chargé de noix verdoyantes,
Qui le dominait tout entier.
— C'était bien la peine de naître,
Lui dit l'arbre africain. Soleil, pluie ou beau temps,
Rien n'opère sur vous. Depuis bientôt cent ans,
Vous n'avez pas grandi de quatre pieds peut-être.
Que ne m'imitez-vous ? mon front touche les deux,
Je répands au loin mon ombrage,
Tandis que votre humble feuillage
Rampe inaperçu dans ces lieux.
— Je le sais, dit l'arbre exotique ;
Je languis, et vous prospérez.
Mais vous êtes fils du Tropique,
Et mot des climats tempérés.
Si l'on m'avait laissé dans ma froide patrie,
J'aurais pu, comme vous, m'élever à mon tour.
Quand, loin du sol natal, votre tige flétrie
N'y subsisterait pas un jour.
Croyez-moi, la nature en nous prodiguant l'être
Donne à chacun ses moeurs, son climat, son destin ;
Et tel qui paraît nain serait géant peut-être
S'il avait choisi son terrain.

Livre III, Fable 10




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