L'Âne et la Lionne Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

L'Orgueil et la présomption,
Des sots toujours sont l'apanage,
Qui l'a dit avait bien raison,
Et je crois fort à cet adage.
Un Âne ayant captivé la faveur
D'un superbe Lion à crinière flottante,
Affectait beaucoup de hauteur,
Et, chose surprenante,
Ne se croyait plus Âne. On eût dit à son ton,
A son dédain pour son espèce,
Que l'on devait l'appeler sa hautesse,
Et qu'il était fils d'un Lion.
De l'oubli de soi-même
À la sottise, on ne compte qu'un pas.
Or l'Âne eut la folie extrême
De brûler pour les fiers appas
D'une séduisante Lionne.
(L'amour vient malgré nous,
Ainsi je lui pardonne
D'en avoir ressenti les coups),
Mais l'imbécile ose bien davantage :
Il la demande en mariage,
Et présume déjà qu'ils vont tous deux s'unir.
-- Porte, dit-elle, ailleurs ton ridicule hommage :
C'est une ânesse, ami, qu'il te faut obtenir. --

L'Ane est le parvenu qui toujours s'imagine
Etre en effet un grand seigneur :
Mais du plus grand des rois la suprême faveur
Ne peut changer notre origine.

Livre IV, fable 6




Commentaires