Un Coq aimait une jeune poulette
Et depuis fort longtemps lui prouvait son amour :
Il avait ses faveurs, mais elle était coquette.
Sa passion pour lui vieillissant chaque jour
Le dégoût la suivit. La belle fit emplette
D'un autre Coq, amant aussi beau que le jour.
Soit par fausse délicatesse,
Ou tempérament ou faiblesse,
Elle les ménageait tous deux,
Et chacun tour-à-tour près d'elle était heureux.
En peu de temps la jalousie
Les rendit furieux.
Par ces nobles rivaux la poulette est suivie.
Bientôt son double amour n'est plus mystérieux.
Lequel cédera la partie ?
On se voit, on se parle. Un endroit écarté
Par tous les deux est arrêté
Pour s'arracher la vie.
Déjà nos champions rivaux et Coqs d'honneur
Sont arrivés sur le champ de bataille.
« Nous sommes fiers tous les deux, et de taille
À nous défendre avec vigueur,
Dit le plus vieux : « avant que le combat s'engage,
Que la raison ici soit notre arbitre enfin.
Allons-nous pour une catin
Faire briller notre mâle courage ?
Peut-être demain il faudra
Te battre , pour avoir seul encor l'avantage.
Va, le moins sensé conviendra
Que le mépris est un parti plus sage.
Abandonnons la poule à son malheureux sort,
Aussi bien à nos yeux elle est mésestimable. »
Il dit : nos rivaux sont d'accord.
On s'accueille, et l'endroit qui devait voir un mort,
Vit sceller entr'eux deux une amitié durable.
Profitez de ma fable, ô jeunes imprudents !
Abandonnez une volage amante :
Quand la cause est déshonorante,
Elle avilit toujours les combattants.

Livre IV, fable 5




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