L'Homme et le Ver à soie Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Un Ver-à-soie artistement
Filait cette prison, où l'on sait que repose
Son corps tranquillement
Jusques à sa métamorphose.
Un philosophe observateur
Admirait son utile ouvrage.
Le Ver en habile orateur,
L'étonna bien par ce discours fort sage.
« Je file aujourd'hui mon tombeau,
Et sans peine quitte la vie ;
J'ai vécu : ma tâche est remplie.
Comment l'homme, armé du flambeau
De la raison et du génie,
Sans crainte et sans la regretter,
Ne sait-il jamais la quitter
Lorsque sa carrière est finie ?
Des êtres c'est le plus heureux ;
Lui seul il a tout en partage ;
Qu'à l'auteur de ses jours il rende un pur hommage
Et sa fin n'aura rien d'affreux.
Un bonheur à venir flatte son espérance :
Pourquoi donc craindrait-il la mort ?
À l'instant où finit sa rapide existence,
Pour voyager ailleurs il entre dans le port.
Sentant que cet insecte avait su le confondre,
Le philosophe ainsi traité,
Se retira déconcerté,
Eh! qu'aurait-il pu lui répondre ?

Livre IV, fable 7




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