La Lunette d'approche Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Dans un donjon, au sixième étage,
Pour son plaisir un savant observait
Tout ce qu'il découvrait :
Or il voyait bois, prés, ville et village.
Lucas était son serviteur.
Un valet imite son maître,
Et comme il voulait tout connaître ,
Il observait aussi comme monsieur.
À travers un long tube, et qu'on nomme Lunette,
Un jour Lucas regardait avec soin ;
Il découvrit, car elle était parfaite,
Deux êtres tête-à-tête, et partant sans témoin :
Dans une maison isolée
Était notre couple amoureux :
Par le soleil leur chambre était fort éclairée ,
Ils s'y croyaient pourtant cachés à tous les yeux.
Lucas observant bien reconnaît le visage,
Le juste, le jupon et le fin bavolet,
La taille, le maintien, le petit air coqueť
De cette Colette si sage,
Que lui Lucas devait
Bientôt avoir en mariage.
« Que je rends grâce à ton art enchanteur,
S'écria-t-il, instrument admirable !
Je croyais Colette estimable,
Tu m'as tiré de mon erreur,
Etje vais la laisser maîtresse de son cœur.
Je voulais , lui dit-il , être aimé sans partage ,
Mais vous aimez un autre objet.
Tel jour, sans le vouloir, je fus dans le secret :
Dupez qui vous voudrez, pour moi je me dégage. »

On vous voit, on vous suit, ou bien on vous entend,
Jeunesse, hélas ! trop indiscrète ;
Craignez, craignez le sort de la jeune Colette :
Songez que le public sur vous à chaque instant
Dirige en tous lieux sa lunette.

Livre IV, fable 8




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