L'Homme aux six Perdrix Pierre Bergeron (1787 - 18??)

Une femme avait, au marché,
Envoyé son mari, bonhomme fort crédule.
Toutefois je serais fâché
Qu'on le trouvât trop ridicule.
Il avait mission d'acheter des perdrix.
Or un marchand en avait six.
Il s'approche, il les examine,
Et leur trouvant fort bonne mine,
Il s'informe aussitôt du prix.
On lui répond : — Vingt sous la pièce.
- Fort bien, à ce prix là j'acquiesce ;
Mais je voudrais choisir. Alors c'est trente sous,
Et je ne puis rien en rabattre.
Il choisit les perdrix ; pour six francs en prend quatre,
Et les paie au marchand qui riait en dessous,
Puis retourne au logis, tout fier de son emplette .
A sa femme, en rentrant, il raconte le cas.
Bravo ! la sottise est complète,
Dit-elle en riant aux éclats.
Mais comment donc, pauvre imbécille,
Comment donc n'as-tu pas compris,
Quand la chose était si facile,
Qu'on pouvait, pour six francs, avoir les six perdrix ?
C'est vainement qu'elle s'explique.
J'ai payé, disait-il, pour choisir ; sans cela,
Je ne pouvais avoir cet avantage là.
La dame avec chaleur répliqué ;
Il s'obstine, elle crie, et lui , criant plus fort,
Soutient qu'il a raison et qu'elle seule a tort.

Au lieu de le railler, corrigeons-nous nous-mêmes ;
Car souvent notre entêtement,
En fait d'opinions, de goût, ou de systèmes,
N'a pas un meilleur fondement.