L'Âne et les Prêtres de Cybèle

Claude-François-Félix Boullanger de Rivery (1725 - 1758)


Phèdre déplore le destin
D'un Âne qui servait les Prêtres de Cybèle,
Il lui fallait soir et matin
Porter la quête. Allons, fouillez à l'escarcelle,
Apportez vos poulets et donnez votre pain,
C'est pour ta mère de Jupin.
Comptez que la bonne Déesse
Pour acquitter notre promesse
Au centuple saura vous rendre tous ces biens,
Et nous vous en ferons notre billet et l'heure
Payable aux Champs Elysiens ;
Songez que tôt ou tard c'est là votre demeure,
Et qu'il dépend de vous d'être riche à jamais.
Séduits par ces propos, l'Usurier, le Corsaire
Ne trouvant ici-bas d'aussi forts intérêts,
Donnent par avarice fie s'empressent de faire
Avec Jupiter même un commerce usuraire.
Plus tes maîtres d'Aliboron
Reçoivent de présents, plus la bête de somme
Est surchargée : on l'accable, on l'assomme,
On fait tant qu'on l'envoie aux bords de l'Achéron.
II espérait au moins que leur haine assouvie
Allait finir avec fa vie,
Il ne connaissait pas tout le fiel des dévots :
Ceux-ci de nouveaux coups chargeant toujours son dos,
Au delà du trépas poursuivent leur esclave.
Sut les extrémités d'un Cylindre concave
On ajuste sa peau qu'on tend comme un ballon,
Et l'on y fait encor résonner le bâton.

Ainsi le fier Tambour inventé par la rage
Dans les champs de Bellone inspire le carnage.

Livre I, fable 17




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