Ésope et l'Âne Etienne Catalan (1792 - 1868)

Grand Ésope, disait Messer Aliboron,
Si vous comptez me mettre encore sur la scène,
Vous qui savez, Seigneur, les trouver par douzaine,
Prêtez-moi quelque trait d'esprit ou de raison.
Que me demandes-tu, repart le Fabuliste,
De te prêter esprit, raison ?... Mais, en ce cas,
Mon pauvre ami, ne me dirait-on pas
Que je suis l'Ane, et toi le Moraliste ?

À bien creuser ce mot, selon que je l'entends,
On ne pourrait, de notre temps,
Faire d'Ésope un Journaliste ;
Non pas que ces Messieurs donnent rien à crédit,
Mais, du moins , vendent-ils la raison et l'esprit ;
Payez-les grassement, tout, du Cèdre à l'Hysope,
Tout, de l'Eléphant au Ciron,
Va changer, sous leur plume, et de forme et de nom ;
D'Aliboron ils feront un Ésope,
Et d'Ésope un Aliboron.

Livre III, fable 8




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