Louis XIV, le Gentilhomme anglais et le vieux Grenadier Etienne Catalan (1792 - 1868)

Après une terrible guerre,
Où nos braves, selon leur prouesse ordinaire,
Avaient cueilli force lauriers,
De ses féaux amis les Grenadiers
Louis le Grand se prit à passer la revue.
Bon nombre d'entre ceux qui s'offraient à sa vue,
Montraient, avec orgueil, sur leurs fronts incisés,
De longs et larges coups d'hier cicatrisés,
Vaines atteintes de la Parque ;
Et, tout fier, à son tour, d'être Roi des Français :
Milord, demande le Monarque
A certain Gentilhomme Anglais,
Qu'il voyait là présent, que pense, je vous prie,
Que pense votre Seigneurie
De tous ces balafrés ?... Mais, lui répond, alors,
Le flegmatique Insulaire, et vous, Sire,
Que faut-il penser, à vrai dire,
De ceux-là qui les ont balafrés ?... Ils sont morts !
S'écrie, en défilant, une Vieille Moustache.

Le mot est bien d'un Français ! Je ne sache
Rien qu'on ne fit oser aux gens de ce pays,
Lorsqu'on éveille en eux cette vertu suprême,
Que tout Français tient en un si haut prix :
Je veux dire l'honneur ! Oh ! que du diadème
Le prestige devient puissant,
Quand on sait que celui qui le porte est lui-même,
De l'honneur que, chez nous, par-dessus tout on aime
Le serviteur le plus obéissant !
Et, voyez combien de merveilles,
Charlemagne, Louis le Grand, Napoléon,
Enfanta maint Géant de notre nation !
Pourquoi, ces noms, alors qu'ils frappent nos oreilles,
Les sentons-nous vibrer au fond de notre cœur ?
Le Peuple s'en souvient : c'est que ce mot « honneur »,
Pour peu que l'Étranger voulût nous faire outrage,
De ces Rois aussitôt enflammait le courage ;
C'est qu'aussitôt, saisis des plus nobles transports,
Ils marchaient avec nous ; c'est que leurs beaux efforts,
Aidés de notre amour, savaient tirer vengeance
De tout affront ; enfin, que, de retour en France,
Ils nombraient, par les coups imprimés sur nos corps,
Nos ennemis vaincus, et qu'avec assurance,
Ils pouvaient, comme nous, s'écrier : « Ils sont morts ! »

Livre III, fable 9




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