Après une terrible guerre,
Où nos braves, selon leur prouesse ordinaire,
Avaient cueilli force lauriers,
De ses féaux amis les Grenadiers
Louis le Grand se prit à passer la revue.
Bon nombre d'entre ceux qui s'offraient à sa vue,
Montraient, avec orgueil, sur leurs fronts incisés,
De longs et larges coups d'hier cicatrisés,
Vaines atteintes de la Parque ;
Et, tout fier, à son tour, d'être Roi des Français :
Milord, demande le Monarque
A certain Gentilhomme Anglais,
Qu'il voyait là présent, que pense , je vous prie,
Que pense votre Seigneurie
De tous ces balafrés ?... Mais, lui répond, alors,
Le flegmatique Insulaire, et vous, Sire,
Que faut-il penser, à vrai dire,
De ceux-là qui les ont balafrés ? ... Ils sont morts !
S'écrie, en défilant, une Vieille Moustache.
Le mot est bien d'un Français ! Je ne sache
Rien qu'on ne fit oser aux gens de ce pays,
Lorsqu'on éveille en eux cette vertu suprême,
Que tout Français tient en un si haut prix :
Je veux dire l'honneur ! Oh ! que du diadème
Le prestige devient puissant,
Quand on sait que celui qui le porte est lui-même,
De l'honneur que, chez nous, par-dessus tout on aime
Le serviteur le plus obéissant !
Et, voyez combien de merveilles,
Charlemagne, Louis le Grand, Napoléon,
Enfanta maint Géant de notre nation!
Pourquoi, ces noms, alors qu'ils frappent nos oreilles,
Les sentons-nous vibrer au fond de notre cœur ?
Le Peuple s'en souvient : c'est que ce mot « honneur »,
Pour peu que l'Étranger voulût nous faire outrage,
De ces Rois aussitôt enflammait le courage ;
C'est qu'aussitôt, saisis des plus nobles transports,
Ils marchaient avec nous ; c'est que leurs beaux efforts,
Aidés de notre amour, savaient tirer vengeance
De tout affront ; enfin, que, de retour en France,
Ils nombraient, par les coups imprimés sur nos corps,
Nos ennemis vaincus, et qu'avec assurance,
Ils pouvaient, comme nous, s'écrier : « Ils sont morts ! »