Vivent Lycurgue, et Sparte, et l'éducation
Qu'on donnait aux enfants de cette nation !
Il leur fallait apprendre à dire, en trois paroles,
Ce qu'on enseigne à dire, en cent, dans nos Écoles.
Aussi, voyez, de toutes parts,
A la Chambre, au Barreau, combien de Babillards :
On croirait un peuple de femmes,
Mais, à la gentillesse près ;
Car, pour la grâce de ces Dames
Le Ciel la mit au rang de leurs plus doux secrets.
Quoi qu'il en soit, il le faut croire,
Au temps de nos Aïeux on était moins disert ;
Je n'en veux, pour témoin, que cette vieille histoire
De certain Villageois en éloquence expert,
Bien qu'il ne fût de Sparte. En Basse- Normandie
Eut lieu, dit-on, la comédie.
Peu content de l'injonction
Qu'un jour, pour délit de Gabelle,
Maître Accar, l'Élu du canton,
Lui faisait de fouiller, sur l'heure, à l'escarcelle,
Sous peine, par provision,
De se voir décréter de corps et de saisie :
Mon bon Monsieur, dites-moi, je vous prie,
Lui demanda Thibaut, non sans quelque raison,
Pour être Élu, faut-il avoir bien du génie ?...
Mais, pas tant, lui répond modestement Accar...
Ah! reprend Thibaut, tant mieux, car…..
Voilà du laconisme ! et, si ce n'est que Sterne,
Ce fin railleur, l'aurait pu trouver un peu terne,
Lui qui prétend que, Tant pis et Tant mieux
Sont les deux grands pivots de notre belle langue ;
Je crois, pourtant , qu'avec ce Car, chacun des deux
Serait, comme réponse à plus d'une harangue,
Un trait digne de Sparte. Oui, Tant pis, Tant mieux, car...
Feraient, ce me semble, fortune,
Lorsqu'un Ministre à la Tribune,
Un Avocat aux Plaids, viennent, à tout hasard,
Dans leurs faconds discours noyer les moindres choses;
C'en serait, suivant moi, la meilleure des gloses,
Que ces trois mots prêtant à rire à leurs dépens ;
En mon particulier, avec certaines gens,
Je compte en essayer quelque jour la recette.
Mais, moi-même, Lecteur, voyez en quel écart,
Sans y penser, imprudent, je me jette !
Je finis... N'allez pas me dire : Ah! tant mieux, car...