Certain Professeur de Clinique,
En explorant le mal d'un pauvre homme, disait :
Chers Disciples, voici qu'au doigt je touche un fait,
Un fait, depuis dix-neuf cents ans, unique ;
Un fait que Celse avait transmis à Galien ;
Fait précieux, que, moi, qui l'appelais, je tien
Du Ciel, qui, tout vivant, aujourd'hui, nous l'envoie,
Pour votre instruction, Messieurs, et pour ma joie !...
Mais, le temps presse, et je veux octroyer
A ce digne Malade un remède énergique,
Remède que jamais on ne vit employer.
Or, l'effet de ce spécifique
Sera si prompt, qu'il doit, ou je m'abuse bien,
Qu'il doit, dis-je, à l'instant , mener le mal à bien,
S'il ne le mène à pis ; car, pour ne rien vous taire,
Mon expérimentation
Est un va-tout, Messieurs, et juste le contraire
De ce qu'auraient prescrit , en cette occasion,
Et Celse et Galien. Chacun d'eux recommande
Qu'on s'abstienne, en ce cas, des moindres irritants,
Comme trop militants et trop compromettants ;
Et chacun d'eux, encor, tient que le mal s'amende
A force de calmants et de rafraîchissants ;
Qu'il peut permettre, ainsi, quinze à vingt ans de vie,
Suivant l'âge, à celui qu'il attaque... Folie,
Messieurs, que de laisser vivoter, végéter,
Celui qu'on a l'espoir de réhabiliter
Dans ses droits de nature ! Ah ! mieux vaut, je le pense,
Mieux vaut cent fois la mort, qu'à ce prix l'existence !...
Ce n'est pas mon avis, cher Docteur, s'il vous plaît,
Cria le Patient : donnez-moi mon billet,
Sinon de guérison, tout du moins de sortie...
Quoi, Celse et Galien m'ont appris le secret
De vivre encor vingt ans ! De ce reste de vie,
N'allez pas, cher Docteur, me faire le larcin
Mieux vaut tenter de vivre avec sa maladie,
Que risquer de mourir avec son Médecin !