Un jour sur l'Hélicon
Se promenait Voltaire ;
Il s'assied et Morphée assoupit sa raison,
Il dormit : son sommeil fut bien involontaire.
Figurez-vous ce poète ronflant,
Et les neuf savantes pucelles
Avec plaisir le regardant.
« Bon ! à ses pieds, se dirent-elles
De neuf couronnes immortelles,
Formons l'assemblage charmant. »
Les neuf couronnes sont placées.
Il se réveille enfin,
Mais les Muses sont éclipsées.
Dieux ! quel spectacle, et quel heureux destin !
Il se frotte les yeux, croit que c'est un mensonge.
Pégase alors s'approche, et lui parle en ces mots :
Ce que tu vois n'est point un songe,
Et doit te consoler de la haine des sots.
Ecoute, et je vais te surprendre
Bien plus que tu ne l'es encor.
De quatre larges fers en or,
Je veux (et vainement tu voudrais t'en défendre)
Demain être ferré par toi,
Car ma corne à la fin pourrait s'user je pense.
A ce spectacle d'importance,
Les Neuf Sœurs formeront un cercle autour de moi.
-- Sur l'Hélicon le lendemain Voltaire
Ferra Pégase avec dextérité,
Et pour sa récompense eut l'immortalité
Qu'on voudrait lui ravir aujourd'hui sur la terre.
Maint critique effronté,
Que le bon goût avec raison condamne,
Se croit plus de célébrité
Et n'a jamais ferré qu'un âne.