Le Sermon de la Tourterelle Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Sous peu de jours novice tourtereau
Devait s'unir à tendre tourterelle ;
Elle était douce, sage, belle :
Dans son cœur de l'amour brûlait le pur flambeau :
Sa mère constamment la tenait auprès d'elle.
« Venez, ó mes enfants, leur dit-elle à tous deux,
Venez : prêtez l'oreille aux discours d'une mère ;
Apprenez le moyen de bien serrer vos nœuds.
Feu mon époux était d'étrange caractère :
J'ai su toujours le rendre heureux.
Mon secret n'est point un mystère.
Voici le plan que je suivi :
J'étudiai ses goûts , j'éclairai ma conduite,
Il fut mon confident et mon meilleur ami,
Et je rendis hommage à son mérite.
Il eut quelquefois de l'humeur ;
Le plus beau jour n'est jamais sans nuage ;
Mais il connaissait bien mon cœur,
Et j'avais en cédant sur lui tout l'avantage.
Le lendemain il me donnait raison,
Et les plus doux baisers étaient ma récompense :
Qu'il obtenait aisément son pardon !
Le mâle est fier et dur quand on l'offense :
Cédez-lui, ce n'est qu'un mouton.
Evitez , mes enfants, la première querelle :
Tout l'art, pour être heureux , est de la prévenir;
En ménage elle naît sur une bagatelle :
Si vous pouvez triompher d'elle
Vous ne verrez jamais la paix s'évanouir,
Et des époux vous serez le modèle.
Pour doubler ses plaisirs et soulager ses maux,
Sous les lois de l'hymen chaque espèce s'engage ;
Allez, de la douceur arborez les drapeaux
Et vous serez toujours fortunés en ménage.

Livre III, fable 22




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