La Botte de paille et le Lit de Duvet Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Un superbe lit de Duvet
Était auprès d'une botte de Paille.
- Que ta présence me déplait,
Et qu'elle annonce la canaille !
Dit-il. Comment peut-on dans un endroit brillant
Te recevoir sans blesser la décence ?
« Tu m'insultes sans fondement :
D'où provient donc ton arrogance ?
On ignora long-tems
Ton nom et ton usage.
Si l'homme avait toujours été robuste et sage
Tu serais le jouet des vents.
Sans la dangereuse mollesse
Et la froide vieillesse,
Tu n'aurais point lâché ces propos impudents.
Vois ces épis dorés que le zéphir balance...
Comme eux dans les champs j'ai brillé ;
Parles grains, dont mon chef se trouve dépouillé,
Des mortels que tu sers j'entretiens l'existence,
Et même après mon chaume vaut son prix.
Je ris de ton humeur injuste et condamnable,
Et n'ai pour ta fierté qu'un souverain mépris :
Plus utile que toi, je suis plus estimable.
Sans habiter un bel appartement,
De mon état je suis contente.
Notre sort est bien différent :
Tu portes le riche insolent,
Et moi la vertu gémissante ! »

De nos Lucullus arrogants,
Le Duvet de ma fable est l'image frappante :
Et la Paille nous représente
Le laboureur méprisé par les grands.

Livre III, fable 23




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