L'Homme et le Pistolet Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Réduit au désespoir, un mortel misérable
S'était armé d'un Pistolet,
Et le tournant vers sa tête il allait
Finir son destin déplorable.
« Malheureux !... quelle est ta fureur ?
Arrête ! mais pourtant si ton âme rampante
Était vouée au déshonneur,
Ne tarde pas, et pressant ma détente
De ton méprisable fardeau,
À l'instant délivre la terre,
Et fais rentrer dans la poussière,
Celui qui doit en être le fléau.
Eh ! quels sont tes chagrins ? la fortune inconstante
Est-elle contraire à tes vœux ?
Jette un coup-d'œil sur ceux qu'elle tourmente,
Ton sort paraîtra moins affreux.
Gémis- tu de la perte , hélas ! irréparable
D'un père que ton cœur chérissait ardemment ?
Sois à ton tour un père respectable,
C'est le remède à ton tourment.
Idolâtre d'une maîtresse,
Te préfère-t-on un rival ?
Avec constance embrasse la sagesse,
Elle ne produit aucun mal.
Un ami que tu crus sincère,
A-t-il cessé d'être tel à tes yeux ?
Crois qu'il en est encore sur la terre,
Et tâche de rencontrer mieux.
Favori d'un monarque et juste et débonnaire,
Es-tu victime d'un flatteur ?
Regarde un moment en arrière.
Il est bien peu de rois qui pêchent par le cœur !
Plains et ceux qui le sont et ceux créés pour l'être,
Vois-les tous dans l'obscurité,
Cherchant toujours l'aimable vérité,
Et condamnés à ne la point connaître.
Arme-toi du flambeau divin,
De la douce philosophie,
C'est l'antidote du chagrin,
Et, sans elle, il n'est point de bonheur dans la vie. »
De la fortune les rigueurs
En allaient faire un suicide ;
Il devint philosophe , et cette arme homicide
Le consola de ses malheurs.
L'homme facilement s'irrite et désespère :
Sur lui de ses chagrins, il cherche à se venger ;
Sa guérison toujours dépend de la manière
Dont il sait les envisager.

Livre IV, fable 3




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