La voix inconnue et le jeune Homme Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

À peine encor sorti de son adolescence,
Pour la première fois un mortel curieux
Visitait cet endroit, à jamais précieux,
Où l'on voit rassemblé tout l'esprit de la France
Et tout l'esprit des autres lieux.
« Quel coup-d'œil admirable !
Que ce spectacle est imposant !
S'écria-t-il : « J'éprouve en le voyant
Un plaisir pur, inexprimable !
Esprits charmants et créateurs,
C'est ici que tous les auteurs,
Ainsi que les abeilles
Errantes sur les fleurs,
Viennent s'enrichir de vos veilles.
Puissé-je un jour sur un de tes rayons,
O bibliothèque chérie,
Avoir ma place entre les noms
Qui font honneur à ma patrie ! »
Une voix inconnue et fort belle, aussitôt
Se fit entendre, et dit : -- Tu pourras y paraître
Avec célébrité, si tu n'as pas trop tôt
L'ambitieux désir de te faire connaître.
Souviens-toi de laisser au goût, à la raison,
Le soin de diriger le plan de tes ouvrages ;
Crains ton imagination ;
Que tes écrits soient toujours sages ;
Abandonnant tous les chemins connus,
Ose t'ouvrir une route nouvelle
Atravers les sentiers de nos jours peu battus ;
Qu'avec ménagement ton esprit étincelle,
Et, pour être un utile auteur,
Peins- nous des sentiments émanés de ton cœur.--

Cette leçon était bien naturelle.
On est d'autant plus grand qu'on n'eut point de modèle.

Livre III, fable 24




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