La Montre et l'Horloger Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Une fort belle Montre à répétition,
Du hasard se croyait l'ouvrage,
Et refusait de rendre hommage
A l'Horloger auteur de sa construction.
« Votre refus, dit-il, ma chère,
Prouve ici votre aveuglement :
Vous en reviendrez, je l'espère ;
Causons tous les deux un moment.
De vos ressorts le superbe assemblage,
En tems égaux, vous fait diviser chaque jour :
Mais, seule, en marquez-vous constamment le retour?
Vous n'avez pas cet avantage,
Non. Cette main que vous méconnaissez,
A formé vos ressorts, elle rend à votre être
Le mouvement quand vous cessez ;
Eh ! pouvez-vous ne la pas reconnaître ?
De tous vos attributs je suis le créateur,
Et le maître à l'instant exerçant ma puissance,
De vous punir de votre extravagance,
En détruisant le principe moteur. »
Il dit : pour son plaisir la Montre est retardée,
Il l'arrête à son gré. -- Maintenant j'en conviens,
Je vous dois tout, dit-elle, et suis dissuadée ;
Chaque effet à sa cause, allez, je le vois bien :
Le hasard est un mot, et le hasard n'est rien.

Envers la Majesté suprême,
Mortels ingrats, vous comportez-vous mieux ?
Tout vous surprend, tout éblouit vos yeux,
Et cependant vous agissez de même.

Livre III, fable 25




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