La Montre et le Cadran solaire Antoine Houdar de La Motte (1672 - 1731)

Un jour la montre au cadran insultait,
Demandant quelle heure il était.
Je n’en sais rien, dit le greffier solaire,
Eh ! Que fais-tu donc là, si tu n’en sais pas plus ?
J’attends, répondit-il, que le soleil m’éclaire ;
Je ne sais rien que par Phoebus.
Attends-le donc ; moi je n’en ai que faire,
Dit la montre ; sans lui je vais toujours mon train.
Tous les huit jours un tour de main,
C’est autant qu’il m’en faut pour toute ma semaine.
Je chemine sans cesse, et ce n’est point en vain
Que mon aiguille en ce rond se promène.
Écoute ; voilà l’heure. Elle sonne à l’instant
Une, deux, trois et quatre. Il en est tout autant,
Dit-elle : mais, tandis que la montre décide,
Phoebus de ses ardents regards,
Chassant nuages et brouillards,
Regarde le cadran, qui fidèle à son guide
Marque quatre heures et trois quarts.
Mon enfant, dit-il à l’horloge,
Va t’en te faire remonter.
Tu te vantes, sans hésiter,
De répondre à qui t’interroge :
Mais qui t’en croit peut bien se mécompter.
Je te conseillerais de suivre mon usage.
Si je ne vois bien clair, je dis : je n’en sais rien.
Je parle peu, mais je dis bien.
C’est le caractère du sage.

Livre III, fable 2






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