Illustre sang de Villeroi,
Second du nom dans l’important emploi
Dont ta vertu t’a fait un patrimoine ;
Au héros de la Macédoine
Tu vas faire un rival dans notre jeune roi.
Tu feras mieux encor : aussi grand, mais plus sage ;
Dans l’Inde il n’ira point chercher d’autres Porus ;
Louis sera toujours maître de son courage ;
L’autre du sien fut l’esclave, et rien plus.
Tu ne souffriras point qu’un mauvais alliage
Fasse baisser un jour le prix de ses vertus.
Songe que dans tes mains repose l’espérance
Des peuples qu’il doit gouverner ;
Des fruits qu’il fera moissonner.
Nous les promettre ainsi, c’est déjà les donner.
Jouis-en toi-même d’avance ;
De ton auguste élève admirant les essais,
Préviens les tems, et que ta prévoyance,
D’un heureux avenir te peigne les succès.
Dans la pitié dont le prince sensible
A pour les malheureux senti les premiers traits,
Vois un autre Titus secourable, accessible,
Soulageant tous les maux, comblant tous les souhaits ;
Pleurant même les jours vides de ses bienfaits.
Cet oracle sacré, ces paroles touchantes,
Où de Louis mourant l’âme réside encor
Son fils veut les avoir présentes ;
Et son cœur tout entier s’attache à ce trésor.
De combien de vertus ce goût est la promesse !
Ne vois-tu pas déjà la justice en maîtresse
Chassant de ses projets l’aveugle passion,
La paix sans luxe et sans mollesse,
Tout un règne animé de la religion ?
Oui, Villeroi, voilà le maître
Qu’il t’appartenait d’élever.
Le sang a commencé ; c’est à toi d’achever :
Savoir faire un grand roi, c’est autant que de l’être.
Lis cette fable ; elle va le prouver.
Jadis aux célestes demeures,
L’hymen joignit Pelée à la belle Thétis.
Neuf mois après leur vint un fils ;
Tant l’amour ménagea les heures :
Il fallut l’élever ; le tems court, et déjà
La raison commençait à luire.
À qui remettra-t-on le soin de le conduire ?
Ce fut Chiron qu’on en chargea :
Sage, noble, vaillant, plus encor que cela,
Juste ; ce mot dit tout : c’est au juste d’instruire.
Voilà donc par ce maître Achille gouverné.
Chiron s’y prit si bien que dans l’âme royale
Chaque vertu bientôt eut son rang assigné ;
Que d’une main sûre et loyale
Tout vice en fut déraciné,
À la colère près ; c’était un vice inné
Qui tint bon contre la morale.
Du reste, Achille était fort bien moriginé.
Des vertus du héros les dieux ont tenu compte
Au gouverneur ; le vice fut la honte
Du prince seul ; on n’avait rien omis
Pour l’en guérir ; ainsi Chiron fut mis
Entre les dieux ; et c’est ce sagittaire
Qui du ciel encor nous éclaire.
Monument éternel par qui nous apprendrons
Comment nous avons part à la vertu des autres.
Les efforts généreux que nous leur inspirons
Nous sont comptés comme les nôtres.
Mais, Villeroi, souffre qu’ici
J’ajoute une note à ma fable :
Achille eut un vice incurable ;
Louis n’en a point, dieu merci.
À toutes les vertus il offre un cœur docile ;
Et le ciel tout exprès l’a fait pour notre bien.
Tu vaux mieux que Chiron : il est meilleur qu’Achille ;
Et la conséquence est facile :
Tu nous le dois parfait ; nous n’en rabattrons rien.

Livre III, fable 1






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