La Pudeur et la Liberté Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Vous avez vu s'étendre votre empire,
Dit à la Liberté la touchante Pudeur,
Et vouloir l'augmenter prouverait le délire ;
Souhait immodéré nous conduit au malheur.
Mais moi, que vante la sagesse,
À qui partout on dressa des autels,
Je cherche en vain, je le confesse,
Par quel motif les Francs, ces guerriers immortels,
Ont pu se réunir pour m'outrager sans cesse.
La fille sage, hélas ! ne saurait nulle part
Lever les yeux, même auprès de sa mère,
Sans s'indigner de voir les chefs -d'œuvre de l'art
La forcer en tous lieux de les baisser à terre.
Quelle étrange innovation !...
Non, rien ne pouvait y contraindre.
Laissons, laissons long-tems dormir la passion
Dont le réveil est tant à craindre !
Que dans leurs ateliers le peintre et le sculpteur
D'un beau modèle à nu nous offre la copie,
Mais qu'ils ne fassent point éclater la rougeur
Sur le front de la modestie ».
La Liberté lui dit : On a tort , je le sens :
Plus d'une fois , j'en ai rougi moi-même :
Mais attendez quelques moments,
Le retour vers les mœurs changera ce système. --

Un sage et bon législateur
Fait voiler ce qui peut alarmer la Pudeur.

Livre III, fable 20




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