Deux amis discutaient une chose fort grave :
La liberté ;
L’un disait : On est libre, et l’autre : On est esclave
De la fatalité.
Le discours s’anima ; l’on en vint aux injures
En guise de raisons.
On se traita de tout : d’ignares, de parjures
Et d’oisons.
Le partisan du libre arbitre,
Pour finir le chapitre,
En appelant l’autre un mulet,
Braqua sur lui son pistolet.
— Comment ! tu voudrais donc tuer un camarade,
Au mépris du devoir, au mépris de l’honneur ?
S’écria, stupéfait, le second raisonneur.
— Pourquoi, dit le premier, cette belle tirade
Si je ne suis pas libre et ne puis décider ?
C’est tout en ma faveur que tu viens de plaider ;
Je ne voulais pas autre chose.
Tu me crois libre : alors, ne crains donc pas que j’ose,
Dans un emportement brutal,
Te porter quelque coup fatal.
La liberté, ce bien sublime,
Où notre science s’abîme,
Ne se laisse guère expliquer
Mais ne cesse jamais de se voir invoquer.