La Feuille d'arbre Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Je pourrais dire élégamment
Qu'on était dans ce tems où la nature entière
Passe du luxe à la misère :
Mais, à quoi bon ? disons tout simplement
Qu'on était en automne.
Unarbre (on pourrait bien m'en demanderle nom,
Mais, si l'on répondait à chaque question
D'un curieux qui déraisonne,
On ne finirait pas : or, pour bonne raison
Mon arbre , cher lecteur , gardera l'anonyme.)
Cet arbre se trouvait de feuilles dépourvu :
Une seule était à la cime,
Par conséquent il était nu.
Eole, dit la feuille, est-il si redoutable
Qu'on ne puisse parer ses coups ?
Moi seule ici je brave son courroux,
Et ne suis pas bien formidable. »
Apeine elle achevait ce discours impudent,
Qu'Eole souffle : et la feuille abattue
Long-tems voltige, tombe et rampe tristement
Parmi les autres confondue.

De nos heureux Crésus au ton si suffisant,
La Feuille de ma fable est l'image fidèle ;
Ils brillent aujourd'hui ; l'infortune est le vent
Qui peut-être demain les abattra comme elle.

Livre III, fable 16


L'auteur avoue avoir écrit cette fable huit ans avant la révolution.

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