Un Jean Lapin contre l’esprit de race
Était taquin, provoquant, ferrailleur ;
Il ne savait ni se tenir en place
Ni réprimer son instinct batailleur.
À tout propos c’était lutte, chicane,
Pour oui, pour non, l’acte le plus guerrier.
Craignant de Jean et la gaule et la canne,
Parents, amis, s’enfuyaient du terrier.
Tyran des siens, seul possesseur du gîte,
Il se crut lors Condé, Renaud, Bayard ;
Il foudroira le peuple qui s’agite
Et l’univers tremblant sous son regard.
Moustache au vent, Jannot courre à la lande
À l’ennemi proposer le combat.
Malheur au Turc ! à la Grèce ! à l’Irlande !
S’il les rencontre, il attaque et les bat.
Dans le sentier notre bretteur recule,
Couche l’oreille et n’est plus si faraud.
Qu’a-t-il donc vu, le triomphant Hercule,
Qu’entre les thyms il se blottit penaud.
Un sanglier, un chien de forte taille,
Hardi mâtin qui lève haut le ton
N’aimant rien tant que prise et que bataille ?…
Oh ! point du tout ! Jean n’a vu qu’un mouton,
Mais il était suivi d’un berger à bâton.
Combien de gens lâchement arbitraires
Sont la terreur de voisins bien trop doux,
Méchants lapins moitié moins téméraires
S’ils prévoyaient qu’on leur rendra leurs coups.