Les Noces d'Or de Jean Lapin Emile Erckmann (1822 - 1899)

Une famille de lapins,
Sous la feuillée, à l'ombre d'un vieux chêne,
En habits de gala, bas de soie, escarpins,
De leurs bons vieux parents fêtaient la cinquantaine.
Un merle jouait du hautbois,
Un canard de la clarinette ;
Sur ses ergots le coq gaulois
Sonnait gaiement de la trompette.
Tout chantait au hameau, tout frétillait sous bois ;
Le père Jean et son épouse,
Frais et gaillards, dansaient encor,
Et les petits, sur la pelouse,
Applaudissaient aux noces d'or.
Soudain le buisson s'illumine ;
Dans l'ombre jaillit un éclair,
Voilà tout notre monde en l'air
Se dispersant sur la colline.
Pauvres lapins ! Ah, sauvez-vous !
Courez ! Le braconnier qui passe,
Sous chaque buisson vous ramasse ;
Combien ne verront plus leurs trous !
Le lendemain à la gargote
D'un petit bouchon campagnard,
Tenu par un certain renard,
On les mangeait en gibelotte,
En fricassée, à la Janot,
À la merveille, en haricot.
C'était la fête du village,
Et les convives enchantés
Trouvaient que les petits pâtés
Faisaient bien dans le paysage.
Ainsi le veut le Seigneur Dieu :
Nous vivons tous les uns des autres,
Et nous voyons de bons apôtres
Nous mettre dans leur pot-au-feu.

Livre I, fable 5




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