Les deux Roses Emile Erckmann (1822 - 1899)

Une rose artificielle,
Ne croyant pas se flatter,
Se vantait de l'emporter
Sur la rose naturelle.
« Ma mignonne, disait-elle,
Je suis une œuvre de l'art
Le plus fin, le plus mignard...
Ma robe est toute de gaze,
D'un éclat, d'une blancheur
Et surtout d'une fraîcheur
A vous plonger dans l'extase...
En moi se montrent partout
La poésie et le goût.
Mon calice et ma corolle
Me forment une auréole
Qui vaut bien assurément
La splendeur du diamant.
Et j'ai sur vous l'avantage
De briller plus d'un printemps ;
Lorsque l'hiver vous ravage
Je ne crains pas les autans.
— Sans doute, dit l'églantine.
Vous êtes toute divine ;
Moi je vis sur un buisson,
Et j'éprouve le frisson
Quand le froid hiver m'emporte,
Mais je vis... Vous êtes morte. »

Livre I, fable 4




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