Le Chacal empruntait un Bœuf à l’Éléphant:
«J’en rendrai, disait-il, un autre bien plus grand,
Grand et gros autant que vous-même.
Eh! pensa le prêteur, c’est gagner cent pour cent,
Et d’avoir un tel bœuf mon envie est extrême.
« Tôpe, mon cher ami. » Le Chacal vint offrir
Même affaire à l’Hippopotame.
« Un bœuf gros comme moi ! c’est avec grand plaisir ;
Cela surprendra bien mes enfans et ma femme !
J’y consens, lui dit-il, sois fidèle au traité. »
Mais lorsque arriva l’échéance,
– Notre Chacal fut tourmenté :
Car les deux créanciers, chacun de leur coté,
De voir le monstre bœuf brûlaient d’impatience.
Le Chacal dit à l’un : «Votre bœuf est au bout,
Tenez bien cette corde, et tenez bien surtout,
Car il est gros et fort; quand je vais vous le dire,
Vous tirerez à vous. » Il court à l’autre sire :
« Seigneur Hippopotame, il faut sortir du trou ;
J’amène votre bœuf, et voici son licou ;
Veillez à ce qu’il ne s’en aille!
Tirez la corde, allons ! » Nos créanciers joyeux
Tiraient chacun d’un bout sans rien faire qui vaille.
Avançait-on d’un pas ? on en reculait deux.
« Ah ! l’honnête Chacal, comme il tient sa promesse !
Son Bœuf est assez fort pour me faire broncher;
Un Bœuf me résister ! Jusqu’au bout de sa laisse,
S’écria chacun d’eux, je m’en vais le chercher. »
Mais, suivant dans le bois la corde en sens contraire,
Ils se trouvèrent nez à nez .
« Oh ! oh ! dit l’Éléphant : compère,
Je tirais cette corde et vous la reteniez ! »
— « Quoi! c’était vous qui me traîniez ?
Que faites-vous donc là ? » reprit l’Hippopotame.
—« Je vous croyais un Bœuf. —Un Bœuf ! que dites-vous ?»
— « Un Bœuf que le Chacal… —Le Chacal ! quelle trame !
Mon cher, il s’est moqué de nous. »
Ne prêtons pas par avarice,
Et redoutons l’appât d’un trop grand bénéfice.
Notes de la fable 2 :
Le chacal forme le passage entre le loup et le renard il tient en effet des deux espèces. Linnée l'appelle loup doré ( canis aureus ). Sa taille n'excède guère= celle des renards il est gris-brun les cuisses et les jambes sont fauve-clair il a du roux aux oreilles. « C'est un animal vorace, dit M. Cuvier il chasse à la manière du chien, et parait lui ressembler plus qu'aucune autre espèce sauvage par la conformation et par la facilité à s'apprivoiser. »