Que vois-je, notre ami ? Sommes-nous en carême,
Dit le Caracal au Renard,
Qui trempé de sueur, d’un appétit extrême
Dévorait un pauvre canard.
Quel modeste gibier ! Quelle maigre carcasse !
Encor, pour l'attraper, a-t-il fallu courir !
Après mille tourments voilà donc votre chasse !
De faim j’aimerais mieux mourir.
A moins de frais, mon cher, ma cuisine est plus grasse.
Le Lion l’entretient. En tous lieux, sans frayeur,
Je suis de près ses pas : je m’assieds à sa table.
Lui-même il est mon pourvoyeur.
Et quel charmant convive ! On n’est pas plus aimable.
De mes bons mots je l'amuse parfois.
Nous rions des sots qu’il égorge.
Ils sont nombreux, mon cher ; nous ne vivons pas d’orge.
Heureux les favoris des rois ! —
Mon ami, je vous félicite,
Répondit le Renard. Soyez longtemps chéri
Du roi qui sait en vous honorer le mérite ;
Mais des faveurs de cour si ce qu’on nous récite
Ne vous alarme pas, j'en suis pour vous marri.
Le Lion quelquefois a l'humeur un peu vive :
Peut-être il finira par manger son convive.
Bon appétit pourtant, Monsieur le favori !