Le Renard en Sentinelle L-S du Ruisseau (16?? - 17?)

Compère le Renard, au coin d'un bois tapi ,
Non pas pour y dormir, comme on le pourrait croire ;
Mais, félon que le dit l'Histoire,
A dessein d'aller en parti,
Lors qu'il ferait nuit toute noire.
Là le drôle pouvait presque de toutes parts,
Sans crainte et sans souci promener ses regards ;
Pourtant prêt à toute occurrence,
Car il est ennemi de la sécurité,
Aussi bien que de l'indolence ,
Convaincu que la défiance
Est mère de la sûreté.
Mais ce n'était pas là qu'il bornait sa science.
Il l'étendait aussi sur la moralité,
On en pourra juger par le cas arrivé.
Après mainte et mainte voiture.
Qu'il vit passer par devant lui
Un carrosse parut tout couvert de dorure
Et tel que chez les Rois on les voit aujourd'hui,
De superbes coursiers d'une démarche fière ,
Elevant autour d'eux une épaisse poussière
Paraissaient s'applaudir de s'y voir attachés ;
Serait-ce donc pour leur péchés,
Dit le Renard, voyant dans le fond du carrosse,
Non un homme, mais un Magot,
Quand je ferais même une Rosse,
Je croirais passer pour un sot,
S'il me fallait traîner cette figure en bosse.

Combien voit-on de gens semblables aux chevaux
Qui se font un honneur d'un honteux esclavage ?
D'autre part que de Grands semblables aux Magots,
N'ont nul autre talent qu'un pompeux équipage.

Livre I, fable 9




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