La vérité s’impose avant qu’on ne l’accepte.
Joignons pour le prouver un exemple au précepte.
Compère le renard de Messire lion
Niait la toute puissance.
Il est roi, disait-il, de par l’ambition
Et les hasards de la naissance.
Quelle autre qualité lui reconnaissez-vous,
Qui le fait estimer et préférer à nous ?
Mon poil rouge luisant vaut certes sa crinière,
Le terrier bien creusé son infecte tanière ;
Il est sot, peu rusé, je suis bête d’esprit,
Guilleret, avisé, tel que l’on me décrit
Dans le savant Buffon… Un lionceau superbe
S’élançant d’un fourré vient rebondir sur l’herbe
Auprès du beau parleur. Le compère blémit,
Ne souffle plus le mot et se fait tout petit.
Avec profond dédain le lionceau le toise. —
Qui donc es-tu ? dit-il, ton allure matoise
Est celle d’un voleur, d’un brigand, d’un bandit !
N’en croyez rien, seigneur, de moi l’on a médit,
Répliqua le renard ; modeste est mon lignage.
Mes parents (tous défunts) étaient nés au village.
Leur fils, humble vassal de votre Majesté,
N’a jamais eu d’égal pour la fidélité
À garder le serment qu’il prête à la couronne. —
En ce cas, vil sujet, ma bonté te pardonne
Ta présence en ces lieux ; mais, vite, éloigne-toi,
Tu souilles le chemin de l’héritier du roi.
Contre l’ordre donné le vassal ne proteste ;
Il porte museau bas et fuit à patte leste,
Prouvant que le lion domine le renard
Par le commandement, la griffe et le regard.