— Non, non, maman, disait une jeune souris,
De la maison le vieux chat gris
N'est pas, comme on le croit, d'un mauvais caractère.
C'est, je puis l'assurer, justement le contraire-
Ce matin, vous veniez de sortir du logis,
Je regardais à la fenêtre,
Je le vis de fort loin paraître
Et doucement venir vers moi.
Tout d'abord, j'en conviens, j'éprouvai de l'effroi
Et ne sentis renaître mon courage
Qu'en l'entendant me tenir ce langage :
Ma belle enfant, rassurez-vous,
Me dit-il du ton le plus doux,
Je viens vous annoncer une bonne nouvelle.
Des chats avec les rats la trop longue querelle
Est enfin terminée, et de votre côté
Vous pouvez maintenant avec sécurité
Circuler comme uous, vaquer à vos affaires.
Le fait est bien certain : nos dignes mandataires
D'une solide paix ont signé le traité.
Chacun en ce moment, sur la publique place,
Pour témoigner sa joie, et s'aborde et s'embrasse,
En un mot prend l'engagement
De s'entr'aimer bien tendrement.
Sortez de votre trou, venez, ma jeune amie,
Par un baiser, je vous en prie,
Sceller un aussi doux serment.
Après un tel discours, direz-vous encor, mère,
Qu'il est traître et sournois, d'un méchant caractère.
— À ton chat, mon enfant, qu'as-tu donc répondu ?
— Que vous m'aviez bien défendu
De sortir pendant votre absence,
Et que, sans cette circonstance,
Je me serais fait UD plaisir
De satisfaire à son désir.
— Bien t'en a pris, rends grâce à ton obéissance,
Reprit la mère, et garde-toi
A l'avenir d'ajouter foi
A son air doucereux, à sa feinte tendresse.
Sur nous autres vieux rats, qui connaissons ses tours,
Il ne peut rien ; aussi, par ses rusés discours,
Cherche-t-il à tromper la crédule jeunesse.
Je te l'ai dit souvent et je te le redis :
Prends garde de tomber sous sa dent meurtrière ;
Souviens-toi du dicton que je tiens de ta mère :
A vieux matou jeune souris.