Dans la salle Saint-Jean, que vous connaissez tous,
Vivait, sans nul souci, le plus gros des Matous.
En ce temps-là, l'enceinte était déserte, obscure,
Et s'il avait voulu pratiquer son état
De Chat,
Il pouvait de Souris faire une ample capture.
Mais il s'en gardait bien ; toujours plus satisfait
De voler le rôti de monsieur le préfet,
Pour le venir croquer dans ces sombres retraites,
Où les Souris, de leur côté,
Se voyant pleine liberté,
Pullulaient, rongeaient tout, jusqu'au foin des banquettes.
Les dégâts, les larcins, grâce à l'obscurité,
S'augmentaient, quand Sa salle un jour devint l'asile
Où des hommes instruits, zélés, laborieux,
Par le concours officieux
Des chefs de la cité, dans un mélange habile
Savaient associer l'agréable à l'utile.
Là s'étendit surtout le culte des beaux-arts.
Aux sévères accents de la philosophie,
On vit s'entremêler la douce poésie.
Un public amateur accourt de toutes parts,
Désireux d'écouter, en ces pompes nouvelles,
Ou la prose ou les vers. Les nombreux invités,
Hommes de tous les rangs, femmes jeunes et belles,
Siègent avec plaisir à ces solennités,
Qu'à l'aide de talents par l'auditeur fêtés,
Couronne d'un concert le tribut harmonique.
Les Chats et les Souris n'aiment pas la musique,
Ceux que je vous citais, forcés de se blottir ;.
Inquiets dans leurs trous sans en pouvair sortir
Pour souiller, comme avant, l'enceinte académique,
Ont enfin déserté pour ne plus revenir.
Ainsi, lorsque des arts la féconde lumière
Vient, aux lieux qu'elle régénère,
Epurer l'homme en l'éclairant,
Les ignorants, famille sombre,
Les malfaiteurs, amis de l'ombre,
Se cachent, réduits au néant.