Un Chien, un Chat, une Souris,
Habitaient le même logis.
Le Chien, toujours sur le qui-vive,
Au bruit le plus léger en sentinelle active,
Alerte, aboyait,
S'élançait
Les yeux enflammés vers la porte,
Et vaillamment se disposait
À traiter de la bonne sorte
Quiconque se hasarderait
À la forcer en l'absence du maître.
Le Chat, accroupi près du feu,
Se chauffait, s'inquiétait peu
Du grognement inopportun peut-être
De l'Argus. A l'écart, la Souris observait
Et disait :
Quel serviteur vigilant et fidèle !
Quel ami dévoué ! Il n'est pas d'animal
Qui du Chien se montre l'égal !
Je l'admire et je l'aime !… « — On exalte son zèle,
« Son dévouement et sa fidélité ;
On cite son bouillant courage ;
Mais a-t-il une qualité
Qui ne soit aussi mon partage ?
Fit à son tour le Chat ; Je t'entends, je te voi,
J'aurais pu me jeter sur toi,
Te croquer, petite voisine,
Et je n'en ai rien fait. Tu peux aller, venir,
Mes grifses ni mes dents ne se feront sentir
Sur ta peau délicate et fine :
Approche sans trembler. «— Penses-tu, vieux matou,
Me faire sortir de mon trou ?
Non, non ! je suis trop prudente et trop sage,
Pour me fier à ton langage ;
Réplique la Souris. Je te connais trop bien.
Mais eusses-tu les qualités du Chien,
Qu'en toi je haïrais tout ce qu'en lui j'admire.
On refuse à ses ennemis
Les vertus dont on aime à doter ses amis :
De la prévention, tel est l'aveugle empire.